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Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

jeudi 10 juillet 2014

La beauté du "je ne sais pas" : (Extrait audio d'une soirée éclosions)


                              La beauté du "je ne sais pas"
                                                       (Extrait audio d'une soirée éclosions)


- A-ton besoin d'un gourou pour réaliser qui on est ?


- Sur un plan profond tout ce que vous vivez, vous en avez besoin. Alors si en ce moment vous avez ce que vous appelez un gourou c'est que vous en avez besoin et si vous n'en avez pas c'est que vous n'en avez pas besoin.
- C'est bizarre comme réponse ?
- C'est celle qui m'est venue.
- Mais qu'est-ce qu'un guru ?
- Guru est-un terme sanskrit qui signifie « précepteur », « guide spirituel » ou « maître". Littéralement : " celui qui dissipe les ténèbres".

Il désigne, en Inde, un enseignant reconnu de la religion, de la spiritualité, de la danse, de la musique ou de tout autre domaine de connaissance. Dans le domaine spirituel, le guru est dans le meilleur des cas un instructeur qui dissipe les ténèbres du disciple en l'aidant à regarder dans la bonne direction. C'est en quelque sorte, dans le sens le plus noble, un poteau indicateur.


- Est-ce que j'ai besoin de quelqu'un pour dissiper mes ténèbres ?


- Il est certain que notre conditionnement est parfois tellement dense qu'il peut s'avérer extrêmement difficile, sans la présence compatissante d'un guide ou la perspective non duelle d'un instructeur, de remettre en question tout ce que nous tenons pour indubitablement vrai et ainsi découvrir qui nous sommes vraiment. Mais c'est possible. Certains êtres réalisent spontanément leur véritable nature sans guru et d'autres encore sans du tout être engagés sur un chemin spirituel. Il semble, au vu des témoignages dont j'ai eu connaissance, que tout soit possible.
Maintenant si on regarde la question d'un point de vue statistique, il semble également que la plupart des êtres qui ont réalisé leur véritable nature aient eu à leur côtés, au cours de leur cheminement un être dont les instructions ou la simple présence aimante leur ont permis d'aller directement à la source. La plupart semblent avoir côtoyé des textes  appartenant aux grandes traditions spirituelles ou ont eu un cheminement de connaissance de soi et de déconditionnement mental et corporel. Mais la vie n'est pas statistique.


- Mais ne suis-je pas mon propre maître ?

- Certes, sur un plan profond vous l'êtes. Mais, tant que vous êtes identifié à une identité séparée et que vous croyiez que ce que vous êtes peut être obtenu par une dynamique d'accumulation de connaissances, tant que vous croyiez que vous n'êtes pas ce que vous cherchez, vous ne pouvez pas reconnaître ce que vous êtes. Car alors vous êtes comme le personnage du rêve qui ne se réveille jamais de lui-même et qui se dissout pourtant au réveil.


La plupart des instructeurs authentiques vous disent que le véritable maître est intérieur et c'est absolument vrai. Nous sommes ce que nous cherchons. Il n'en est pas moins vrai que celui qui énonce cette vérité profonde a les apparences d'un instructeur qui répond aux questions qui lui sont posés. Je dit en apparence. Car en apparence, le disciple est assis dans la salle et le guru sur l'estrade. En apparence, c'est à dire dans une perspective duelle, le disciple se prend pour quelqu'un et pose des questions à un autre quelqu'un, là-bas, que le dit "disciple" voit comme quelqu'un de réalisé ou d'éveillé dont il espère recevoir la grâce ou les informations nécessaires, le mantra secret, l'exercice adéquat ou le bon mot qui lui permettrait de réaliser sa vraie nature. 
Pourtant, dans une autre perspective, non duelle celle-ci, le dit "guru" qui ne se prend pour personne (sinon ça s'appelle un charlatan) pointe vers le fait que la personne n'est ni plus ni moins une pensée apparaissant dans la conscience. Il invite le dit disciple dont il ne se sent nullement séparé à explorer ses croyances transparentes et notamment celle d'être une personne séparée, penseur de ses pensées et auteur de ses actes, responsable et identifié à un corps qui est né et qui va mourir. 

Ainsi, sur un plan profond le disciple et le maître sont Un. L'espace dans lequel émergent les questions et les réponses est le même. Les deux corps apparaissent à la même conscience impersonnelle



- Et comment choisir son maître ?

- On ne choisit pas son guru à partir d'informations de seconde main sur lui ou par le biais d'un raisonnement basé sur notre intérêt de rencontrer un guru ou pas. Il ne peut y avoir aucune stratégie en ce domaine. Vous ne décidez pas d'aimer telle ou telle femme sur la base des informations que vous détenez sur elle. Sinon ce n'est pas de l'amour. La rencontre avec un maître est une sorte d'évidence qui fait qu'en sa présence on ne se sent plus séparé. Il y a une sorte d'accueil inconditionnel et réciproque d'ailleurs. Mais cet accueil inconditionnel n'est pas dans cet organisme corps-mental-ci plutôt que dans cet organisme  corps-mental-là. Petit à petit, il devient évident que la Présence que je croyais être localisée là-bas est en fait ici et partout, et surtout à la racine de mon être, dans ce "je suis" qui est. En fait cette Présence est partout, ou plutôt tout est en elle; mais, parce que je percevais le monde à travers un filtre de croyances erronées, je la situais là-bas, dans ce sac de peau à forme humaine que j'appelais le maître. Et je vois que c'était juste une illusion d'optique.

Ce qui est important, c'est de vivre à partir du cœur, et d'écouter ce que vous voulez vraiment. Mais sait-on vraiment ce que l'on veut ? Sur un plan profond c'est la vie qui choisit. Le choix se fait mais personne ne fait de choix. Et finalement chacun fait ce qu'il peut.        
                 ….  Silence…






- Votre question en appelle une autre : Pourquoi voulez vous savoir s'il vous faut trouver un guru ou pas ?

- Pour ne pas me tromper ?

- Pourquoi ?

- J'ai déjà tellement galéré ?

- Pourquoi dites vous cela ?

- J'ai suivi des maîtres que j'ai ensuite quitté ? J'ai cru puis j'ai cessé de croire.

- Pourquoi ?

- Parce que leur réponses ne me convenaient plus ?

- Et pourquoi ces réponses ne vous convenaient plus ?

- Parce que j'avais mûri entre temps j'imagine ?

- Pourquoi ?

- Parce que c'est ainsi que j'ai évolué ?
- Mais savez-vous pourquoi vous avez évolué ainsi ?
- Non je ne sais pas.
- Vous ne savez vraiment pas ou vous croyez tout de même savoir ?
- Peut-être à cause de mes erreurs justement ?
- Pourquoi avez vous commis ces erreurs ?
- Je ne sais pas ?
- Vous savez vraiment pas ou vous cherchez encore à comprendre ?
- Je cherche à comprendre.
- Pourquoi ?
- Pour aller plus vite.
- Pourquoi aller plus vite ?
- Pour ne pas répéter les mêmes erreurs ?
- Pourquoi ?
- Pour ne pas ressembler à mes parents ?
- Pourquoi ne voulez vous pas leur ressembler ?
- Parce qu'ils ont beaucoup souffert de leurs erreurs ?
- Et vous savez pourquoi ?
- .... Ça vient de loin.
- Pourquoi ça vient de loin ?
- Parce qu'eux mêmes ont souffert de leurs parents et leurs parents des erreurs de leurs parents ?
- Pourquoi toute cette souffrance ?
- Parce qu'il y a quelque chose que nous ne voyons pas.
- Et pourquoi nous ne le voyons pas.
- Peut-être avons désappris à voir.
- Pourquoi ?
- Parce que nous sommes distraits ?
- Pourquoi sommes nous distraits, le savez-vous ?
- J'ai toujours été distrait, mes parents et leurs parents aussi.
- Ok, mais savez vous pourquoi ?
- Non, je ne sais pas ?
- Vraiment vous ne savez pas ou vous cherchez encore à savoir pourquoi ?
- Comment savoir ?
- Ressentez en vous-même s'il y a encore l'idée qu'il faut comprendre tout cela ou si c'est ok de ne pas savoir.
- Non, là je vois que je ne sais pas. Je ne peux pas savoir cela.
- Vous ressentez que vous ne savez pas ?
- Oui
- Restez avec ça quelques instants...Que ressentez-vous ?
- C'est étrange, je suis bien, je ressens une sorte de chaleur dans le plexus solaire.
- Laissez cette chaleur se répandre. 

- … silence

- Et voyez que cette chaleur apparaît et disparaît dans cette présence consciente qui ne sait rien.
                 ...Long silence...


- Notre nature essentielle est cette ouverture dans l'instant vers l'inconnu. Notre nature essentielle est inconnaissance, ce qui n'a rien avoir avec l'ignorance. Ce non savoir, cette acceptation de l'inconnu, cet arrêt soudain de la pensée linéaire et l'idée de devoir contrôler, comprendre et expliquer les choses provoque une grande détente corporelle. Contrairement à la compulsion de s'identifier aux pensées afin de comprendre, contrôler ou connaître, qui crée une zone localisée de tensions dans le corps, la joie de ne rien savoir nous connecte avec l'étonnement et la joie de ne rien être qui sont comme une vibration non localisée. 

Donc pour revenir à votre question, le guru véritable, le satguru, le guru intérieur est ce "je ne sais pas", cet abandon total à ce qui est. Le "je ne sais pas" n'est pas l'apanage de quelqu'un, cette ouverture inconditionnelle n'appartient à personne. Lorsque le constat sincère du "je ne sais pas" a lieu, la personne est absente. La personne revient au premier plan lorsque la moindre stratégie de savoir, d'expliquer ou de comprendre réapparaissent.

Ce que l'on peut éventuellement vivre auprès d'un guru c'est ce parfum du "je ne sais pas", ce pressentiment que toutes nos croyances s'enracinent dans le rien. C'est très vivant. Il y a là une sorte de frémissement que les mots ne peuvent restituer.

Un véritable guru ne délivre pas d'enseignement au sens propre. Toutes les informations que l'instructeur pourraient vous fournir n'ont rien à avoir avec ce parfum vivant du "je ne sais pas".







- Et qu'est ce que je fais avec tout ça ?

- Que voulez-vous dire ? Il n'y a rien à faire. Tout ce qui se fera se fera spontanément.



- … Silence



- Ce que je viens de vivre est très précieux. Comment rester dans cette ouverture ?

- Je vois que quelque chose n'est pas clair pour vous. Recommençons : Pourquoi voulez-vous rester dans cette ouverture ?



- (Rires dans la pièce)


- Parce que j'ai peur qu'en sortant ici je le perde.

- Pourquoi avez-vous cette peur ?

- Parce que j'ai déjà ressenti cette chaleur, cette ouverture il y a longtemps et je n'ai pas su garder cet état.

- Pourquoi n'avez-vous pas pu le garder ?

- Je ne sais pas.
- Vous ne savez vraiment pas ou vous voudriez savoir ?
- Je voudrais savoir pour pouvoir être toujours comme ça.
- Pourquoi voulez-vous cela ?
- Parce que c'est mieux de vivre ainsi ?
- Et vous savez pourquoi vous pensez cela ?
- Parce que je le sens ?
- Très bien, mais savez vous pourquoi vous avez ce ressenti-là ?
- Non, il est là, mais je ne sais pas pourquoi ?
- Ok, ressentez ce que cela fait de ressentir quelque chose et de ne pas savoir pourquoi et restez un peu avec ça ?

- (long silence et le visage qui s'ensoleille.)

- C'est d'une grande douceur. J'ai du mal à penser. La chaleur revient. Mais plus fortement.


- Est-ce que vous ressentez tous la même douceur, ici et maintenant ? Est-ce que quelqu'un se sent à l'écart, est-ce que un d'entre vous ressent une tension, un doute, une forme d'incompréhension.

- … Long silence.

- J'ai un doute ? (quelqu'un d'autre)
- À propos de quoi ?
- Je pense que ça ne va pas durer ?

- Rires dans la salle

- Aucune expérience ne dure, aucun savoir n'est éternel. Ce que l'on croit vrai à une époque, à un certain âge de la vie, dans une certaine culture ne l'est plus dans un autre contexte ou à un âge différent. La tristesse, le doute, la colère, l'étonnement, le dégoût, la joie, toutes les émotions viennent un temps, puis nous quittent. Toutes les perceptions sont impermanentes. Mais est-ce que ce qui perçoit tout cela change ? 
Remarquez qu'en ce moment des sensations vous traversent. Elles changent mais est-ce que Vous, vous changez ? Qui entend cette voix en ce moment dans votre expérience directe, sans faire appel à la mémoire ? Une paire d'oreilles ou une présence consciente, qui elle n'a ni forme ni couleur, ni début ni fin ? Pouvez-vous définir ce qui entend mes paroles en ce moment ? Est-ce que ce qui entend ces paroles a une limite ? Constatez que ce n'est pas de l'ordre du savoir objectif. Pourtant, quelque chose en vous, quelque chose de très intime, qui n'est pas quelque chose se sait, en ce moment même, être présent et conscient ? N'est ce pas ?


- long silence

- C'est Cela vers quoi nous pointons ici. Nous pointons vers cet indéfinissable présence consciente en laquelle toutes nos perceptions sensorielles et mentales apparaissent et disparaissent. Cet espace ne peut ni être obtenu ni être perdu. Vous n'avez pas à le trouver. Vous l'êtes. Je suis Cela. Tu es Cela. Nous sommes Cela.


- Pourquoi le corps est-il si détendu en présence de ce "je ne sais pas" ?
En tout cas après avoir fait cet exercice de nombreuses fois je me rends compte qu'à chaque fois que mon mental abdique et cesse de vouloir savoir, il y a un immense bien-être. 
- Moi aussi. (une autre personne)
- Est-ce qu'il y a quelqu'un ici qui, après avoir joué à ce jeu jusqu'au bout, c'est à dire véritable "je ne sais pas" ait senti une tension dans le corps, une angoisse, un stress, même une toute petite inquiétude ?
- Non (plusieurs personnes)
- Alors pourquoi vous repartez dans la course au contrôle ? Une fois que cela est vu pourquoi recommencer à prétendre pouvoir contrôler, savoir le pourquoi du comment ? Pourquoi ?
Je ne sais pas.
rires
- C'est un vrai "je ne sais pas " ? Ce n'est pas juste une réplique pour faire rire ?
rires
Non bien sûr.
- Je plaisantais.


- Ca parait bien trop simple pour être vrai ?

Une des choses les plus difficiles à accepter - pour la personne qui a accumulé tant de savoirs, c'est même totalement inacceptable - c'est l'extraordinaire simplicité des prises de conscience. Peut-être cela vient-il du fait que nous avons été conditionnés à croire que ce qui est puissant et libérateur doit forcément être compliqué. En réalité, quelque chose n'est compliqué que dans la mesure où cela ne correspond pas à ce que vous croyez déjà.
Mais non, désolé, ce n'est pas plus compliqué que ça. Vous êtes bien lorsque vous êtes conscient que vous êtes. Vous éprouvez un sentiment de paix lorsque vous êtes conscient d'être tout simplement. Être est le bien suprême. Cela ne dépend de rien. Je ne suis ni ceci ni cela? C'est le Neti neti de la tradition de l'Advaïta Vedanta. 
"Je suis ce que je suis" disait le Dieu de l'Ancien Testament, lorsque Moïse lui demande près du buisson ardent qui il est. Ce n'est pas pour rien qu'un des plus grands maîtres de la voie directe, Shri Maharaj Nisargadatta, invitait ses disciples à prendre refuge le plus souvent possible dans la journée dans la simple sensation d'être : "Je Suis".
C'est pour cela qu'on appelle la joie simple qui découle de la conscience d'être, et qui est l'émotion racine dont découle toutes les autres la félicité (ananda en sanskrit), la joie non-dépendante, la joie sans cause, la joie sans objet.
Cette joie en effet ne dépend d'aucune expérience. Elle est pourtant sous-jacente à toutes vos expériences, même celles qui ont les apparences les plus insupportables, les plus violentes, les plus angoissantes. Car vous le voyez bien, dans ce jeu, auquel nous jouons depuis deux heures, nous partons de la personne avec ses prétentions à savoir et à connaître ce qui est bien ou mal, c'est à dire son impression de manque. Puis au fur et à mesure que nous descendons à rebours dans l'arborescence des croyances, en posant de façon systématique la question "pourquoi", vous voyez bien que, à un moment donné la dernière croyance (qui est aussi la première) s'enracine dans le non savoir, dans le rien, dans l'inconnu du "je ne sais pas"; Et là, comme par miracle, tout se détend !
Car alors, il n y a plus de mémoire, plus de passé plus de futur, plus de localisation, plus d'image de soi, plus de prétention à savoir. Plus de stratégies, plus la possibilité de réussir ou d'échouer. Le moi a disparu. Plus personne. No body (pas de corps). No thing (pas une chose).



- Quand je vis ce "je ne sais pas", il n'y a vraiment personne ? C'est l'éveil ?


- Attention de ne pas faire de quelque chose de vivant une image. On ne peut pas figer le "je ne sais pas" dans une posture ou une technique. On ne peut pas en faire un concept ou une stratégie. Le "je ne sais pas" est toujours nouveau, frais, inconnu. C'est une sorte d'étonnement qui confine à l'émerveillement. N'en faites pas un mantra ou une technique formelle. C'est un ressenti qui vient d'un véritable abandon et d'une totale ouverture du cœur.
Il y a juste ouverture à l'inconnu de l'instant. Le corps prend son pied dans cet inconnu car l'inconnu est la réalité. Et le corps c'est la nature non-duelle en essence. C'est simple un corps. Le corps souffre toujours des imaginaires qu'on lui surimpose. C'est toujours joyeux de vivre avec la réalité. Ce qui est pénible, c'est l'idée qu'il faut savoir pour contrôler la vie et éviter l'inévitable. Ce qui est pénible c'est d'espérer sans cesse. L'espoir appelle inexorablement le désespoir. Ne pas savoir est sans efforts. Quand on ne sait pas, il n'y a personne. Quand on sait, ou que l'on cherche à savoir, il y a quelqu un à nouveau. Être quelqu'un ça demande énormément d'efforts. C'est lourd. C'est des milliards de calculs à la seconde pour maintenir l'image de soi. 
Il faut sans cesse soutenir ce quelqu'un, même s'il n'a aucune existence réelle. Il faut protéger le fantôme qu'est l'image de soi, le nourrir d'autres images toujours plus agréables et flatteuses tout en tentant d'éloigner les expériences ou les images qui pourraient le remettre en question. On entre alors dans un fonctionnement un peu fou où il faut sans cesse caresser le faux moi dans le sens du poil. Le moi c'est comme un Tamagotchi. Vous savez, ces animaux de compagnie japonais. Des animaux virtuels, qu'on nourrit et dont on stimule sur des consoles électroniques l'éducation. La personne c'est un Tamagotchi. Il se nourrit de façon virtuelle, de faux espoirs, de fausses peurs et de faux désirs, de croyances erronées. Mais ce n'est pas grave on continue à jouer, à faire comme si c'était pour de vrai. Et pourquoi pas !

Rires

Maître Eckart, dans son merveilleux "Sermon des Pauvres" * disait : "Je ne possède rien, je ne sais rien, je ne veux rien".
L'impulsion de savoir, de prévoir, de prétendre savoir ce qui est bien ou mal sont consubstantielles à la personne. Vous ne pouvez pas empêcher ce dynamisme de vouloir savoir et et de vouloir comprendre. Mais vous pouvez l'observer lorsqu'il survient. Et puis notez à partir de quoi vous percevez ce fonctionnement ? N'est-ce pas à partir du "je ne sais pas". Voyez que nos croyances, nos savoirs, nos certitudes viennent du même espace de non savoir, ils s'enracinent dans même "je ne sais pas". Et le "je ne sais pas" est libre de tous savoirs… L'invitation qui est faite ici est d'observer avec neutralité tout cela, de le ressentir tactilement. 

- Mais il me semble que pour éprouver ce lâcher prise, j'ai besoin d'être accompagné. Je reviens à la question de tout à l'heure. Comment trouver le bon maître ? Car il faut donner sa confiance ?

- Dans l'abandon au gourou, ce n'est pas tant le gourou qui est important. C'est la qualité de l'abandon lui-même qui importe. C'est l'intensité de la soumission qui vous libère... En ce sens le choix du guru n'est pas déterminant en soi. Ce n'est pas une soumission à une personne, c'est la soumission à la réalité de l'instant, à ce qui est, à l'évidence du "je ne sais pas" qui compte. 



 S'abandonner totalement libère de celui ou de ce à quoi je m'abandonne. La véritable dictature et une vie de stress garantie, c'est de constamment vouloir que les choses soient différentes de ce qu'elles sont. L'enfermement c'est vouloir la sécurité psychologique à tout prix. Car alors on s'emprisonne dans le connu. Et le connu c'est la mémoire, c'est la mort… L'inconnu c'est la vie… Pour votre sécurité restez ouvert à la possibilité que votre vérité la plus indubitable soit peut-être une croyance transparente.


- Je ne sais pas toujours ce qui est juste ?

- Acceptez de ne pas savoir ce qui est juste. C'est un ressenti à écouter jusqu'au bout. Votre question suggère que vous ne vivez pas le "je ne sais pas" mais que vous le pensez. Et que vous pensez qu'il faudrait savoir ce qui est juste. 
Quand vous cessez de vouloir savoir, quand vous constatez que vraiment vous ne savez pas, alors surgit une écoute non dirigée par vos conditionnements, une écoute libre de la mémoire et de vos prétendus savoirs. Et il n'y a rien de plus beau dans la vie que d'écouter sans savoir. La véritable justesse surgit spontanément de cette écoute sans personne. La personne sonne toujours un peu faux, un peu creux, et pour cause. (tocs tocs sur le crâne)

- Rires


 La véritable écoute, sans intention, est notre unique liberté de chaque instant.




* Extraits du Sermon des Pauvres


"Si on me demandait ce qu'il faut entendre par un homme pauvre qui ne veut rien, je répondrais : aussi longtemps qu'un homme veut encore quelque chose, même si cela est d'accomplir la volonté toute chère de Dieu, il ne possède pas la pauvreté dont nous voulons parler.

Cet homme a encore une volonté : accomplir celle de Dieu, ce qui n'est pas la vraie pauvreté. En effet, la véritable pauvreté est libre de toute volonté personnelle et pour la vivre, l'homme doit se saisir tel qu'il était lorsqu'il n'était pas. Je vous le dis, par l'éternelle vérité : aussi longtemps que vous avez encore la soif d'accomplir la volonté de Dieu, et le désir de l'éternité de Dieu, vous n'êtes pas véritablement pauvre, car seul est véritablement pauvre celui qui ne veut rien et ne désire rien."
Quand j'étais dans ma propre cause, je n'avais pas de Dieu et j'étais cause de moi-même, alors je ne voulais rien, je ne désirais rien car j'étais un être libre et me connaissais moi-même selon la vérité dont je jouissais. Là, je me voulais moi-même et ne voulais rien d'autre, car ce que je voulais je l'étais, et ce que j'étais je le voulais. J'étais libre de Dieu et de toute chose. Mais lorsque par ma libre volonté j'assumais ma nature créée, alors Dieu est apparu, car avant que ne fussent les créatures, Dieu n'était pas Dieu, il était ce qu'il était. Mais lorsque furent les créatures, Dieu n'a plus été Dieu en lui-même, mais Dieu dans les créatures. Or nous disons que Dieu, en tant que ce Dieu-là, n'est pas l'accomplissement suprême de la créature car pour autant qu'elle est en Dieu, la moindre créature a la même richesse que lui. S'il se trouvait qu'une mouche ait l'intelligence et pouvait appréhender l'éternel d'où elle émane, nous dirions que Dieu, avec tout ce qu'il est, en tant que Dieu, ne pourrait satisfaire cette mouche. C'est pourquoi nous prions d'être libre de Dieu et d'être saisi de cette vérité et d'en jouir éternellement là où les anges les plus élevés, la mouche et l'âme sont un; là où je me tenais, où je voulais ce que j'étais, et étais ce que je voulais.

Nous disons donc que l'homme doit être aussi libre de tout son propre savoir, qu'il l'était lorsqu'il n'était pas et qu'il laisse Dieu opérer selon son vouloir en en demeurant libre.

  
Nous disons donc que l'homme doit être si pauvre qu'il ne soit, ni ne possède en lui aucun lieu où Dieu puisse opérer. Tant qu'il conserve une localisation quelle qu'elle soit, il garde une distinction. C'est pourquoi je prie Dieu d'être libre de Dieu car mon être essentiel est au-delà de Dieu en tant que Dieu des créatures.                                                                 

 Le Sermon des Pauvres - Maître Eckhart




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